9 - Le Liban, du massacre des chrétiens au succès du Hezbollah

Les massacres se sont succédé dans l’Empire ottoman déclinant qui se repliait sur une identité turque et musulmane. Les minorités ethniques, considérées comme étrangères en furent particulièrement victimes. En 1860, l’hécatombe des chrétiens maronites massacrés par les musulmans fit au moins 20 000 morts. L’expédition française de 1862 au Levant fut probablement la première action d’ingérence humanitaire au monde. Elle eut pour conséquence le protectorat français accompagné de la création de loges qui eurent dans un premier temps des activités philosophiques et sociales.

L’émergence de la Franc-Maçonnerie au Liban fut étroitement liée aux divers « mouvements d’émancipation de l’homme ». Ainsi, de nombreux intellectuels qui ont réclamé l’autonomie ou l’indépendance du Liban venaient-ils des fraternités. Ils jouèrent un rôle de premier plan dans la création de plusieurs nationalismes – Arabe, panislamiste et Libanais – ainsi que dans « le réveil littéraire et social que constitua la nahda(1) ». Quand sous l’impulsion de Mahmud II les réformes, Tanzimat, furent instaurées, une partie importante de la population participa à l’ouverture.

L’historienne Dorothé Sommer est l’auteure du livre : Freemasonry in the Ottoman Empire: A History of the Fraternity and Its Influence in Syria and the Levant, et d’articles dans les cahiers de la Méditerranée. Elle a largement inspiré cet article. Elle écrit :
 « Mes recherches ont porté sur les premières loges existantes en Grande Syrie, et ce depuis la fin de la guerre civile druze-maronite de 1860 jusqu’à la Révolution Jeune-Turque de 1908. J’ai donc cherché à comprendre si la franc-maçonnerie a été liée aux débuts du nationalisme arabe, et, si oui, comment. Pour ce faire, j’ai donc choisi de me consacrer aux seules loges écossaises, c’est-à-dire aux loges filles de la Grande Loge d’Ecosse, en cherchant à comprendre si ces maçons ont participé ou non à la nahda, cette renaissance de l’identité et de la culture arabe. Ma conclusion est que les loges filles de la Grande Loge d’Ecosse furent impliquées dans ce mouvement réformateur qu’elles soutinrent sans l’initier. La Franc-maçonnerie doit toujours être perçue et comprise dans son contexte historique, social et national. Dans le cas du Liban, les francs-maçons écossais constituèrent un groupe révolutionnaire mais non révolté limité à certains secteurs de la population ».

Ce qui est vrai pour les loges écossaises l’est aussi pour les autres obédiences. 

Le Levant constituait à la fin du 19ème siècle, la partie de l’Empire ottoman où l’éducation et la culture étaient les plus développés ; les institutions étrangères dominaient et les institutions chrétiennes étaient plus renommées que les musulmanes. Les loges qui ont rayonné après les années 1865-1866, Le Liban du Grand Orient de France, Al Salam et Palestine n° 415 de la Grande Loge d’Écosse prônèrent l’indépendance et l’autonomie du pays(2). Palestine et al Salam étaient à Beyrouth, Sunneen et Mont Liban à Chouer, dans la banlieue chrétienne et Kadisha à Tripoli, ville musulmane.

Le recrutement était important après les années 1900. D’après leurs archives, al Salam comptait 190 frères, Sunneen 197 et Palestine 145. La politique n’était pas absente, Palestine initia nombre de personnages importants. Parmi eux le colonel Churchill, un des premiers partisan de l’établissement d’un état juif en Palestine(3), l’érudit Boutros Boustany, fondateur de la première école laïque du Liban, Hassan Bayhum, qui travaillait en 1898 pour la municipalité de beyrouth et qui fut un des notables les plus en vue de la communauté sunnite, le théologien Muhyi’l-Din al-Qadir, auteur de la biographie de l’émir Abdel Kader, Nasif Meshaka, Saleh Isdahir al-‘Azm et les deux fils d’al-Qadir, les ‘Azm étaient une famille de grands propriétaires terriens, famille socialement prestigieuse et politiquement influente.

La composition des loges Palestine et al Salam incluait de nombreux intellectuels, journalistes, enseignants, et étudiants, juges, juristes et médecins. La religion ne semble avoir joué aucun rôle, plusieurs ecclésiastiques furent initiés, ils étaient membres de l’Eglise Évangélique de Beyrouth, mais le clergé maronite interdit à ses fidèles d’adhérer à une loge. Des diplomates, initiés dans leur pays d’origine se sont également affilié.

L’émergence de la Franc-Maçonnerie au Levant fut étroitement liée aux divers « mouvements d’émancipation de l’homme ». Ainsi, de nombreux intellectuels qui ont réclamé l’autonomie ou l’indépendance du Liban venaient-ils des fraternités. Ils jouèrent un rôle de premier plan dans la création de plusieurs nationalismes – Arabe, panislamiste et Libanais – ainsi que dans « le réveil littéraire et social que constitua la nahda(4) ». L’alliance de la Turquie avec l’Allemagne pendant la première guerre mondiale a entraîné le blocage des ports de la Méditerranée, la chute de l’économie et le déclin de l’influence française.

Une épidémie de typhus a décimé la population levantine, puis en avril 1915, une invasion de sauterelles a détruit les récoltes. Les victimes de la famine se comptèrent par dizaines de milliers. La révolte grondait pendant que la répression Turque s’accentuait. Jamal Pacha le commandant militaire de la région faisait régner la terreur. Le 6 mai 1916, vingt et un nationalistes libanais, dix-sept musulmans et quatre chrétiens furent pendus sur la place des canons devenue depuis la place des martyrs. Le même jour, onze nationalistes syriens ont été pendus à Damas, des centaines d’autres arrêtés. Juifs et Arabes furent déportés par milliers vers le centre du pays.

Peut-on vraiment parler de nationalisme ? Parmi les groupes politiques arabes qui ont surgi après la première guerre mondiale, la quasi-totalité d’entre eux, sauf au Levant chrétien, ne voulaient ni l’indépendance, ni la création d’un État, mais ils souhaitaient seulement obtenir des droits égaux, politiques, sociaux et culturels. Sur une vingtaine d’organisations, seuls cinq comportaient dans leur nom le mot « arabe »(5).

Diviser pour régner. La Société des Nations a confié à la France en 1920 le mandat du protectorat sur la Syrie, il durera jusqu’en 1946. La mission était de moderniser et d’accompagner la Syrie vers l’indépendance. Le pays était multiconfessionnel. 
Pour aider les chrétiens maronites défavorisés, souvent persécutés, le général Gouraud, haut-commissaire créa en 1920, l’Etat du Grand Liban en séparant de la Syrie le territoire du Moutassarrifat du Mont-Liban (entité autonome de l'Empire ottoman) auquel il adjoignit des territoires qui appartenaient aux deux Wilaya ottomans de Beyrouth et de Damas. Il s’ensuivit la grande révolte arabe contre la France qui fit des milliers de victimes, dont 2.500 dans l’armée française qui réussit au prix de massacres à rétablir l’ordre.

En 1926, le pays a adopté sa première constitution, devenant officiellement la République libanaise. Une conséquence en a été la scission de la franc-maçonnerie syrienne et la création d’obédiences libanaises. La Syrie considère toujours que le Liban fait partie de son territoire et le revendique.

La franc-maçonnerie connut avec le mandat français dans les années 1920, un développement exceptionnel. Jean-Marc Aractingi Grand-Maître du Grand Orient Arabe Œcuménique estime le nombre de membre à cette époque à plus de 12.000 membres, soit plus de 7% de la population adulte libanaise de sexe masculin. De nombreux politiciens participèrent aux tenues des loges, comme Midhat Pasha, ou le consul anglais Eldrige en poste à Beyrouth, les discours politiques et anti-mandataires se mêlaient aux travaux maçonniques.

Certains intellectuels maçons devinrent célèbres comme Makaryos et Jirji Zaidan pour leur oeuvre scientifique, le grand poète Khalil Gibran ou encore le politicien Amir Adel Arslan. Penseur et homme politique, ce dernier appartenait à une famille de francs-maçons : son père, son frère, et surtout l'Émir Mohammed Amine Arslan fondateur et président de la première loge de Beyrouth. Amir Adel Arslan a poussé les loges à se mettre au service de la cause arabe. Il a été élu Grand Maître afin disait-il de sauver la Franc-Maçonnerie de l'influence juive.

Avec son idéal d’une éthique universelle, la Franc-maçonnerie pouvait fédérer tous les différents niveaux sociaux. Si son engagement en faveur des Lumières et de la responsabilité individuelle rendait son message révolutionnaire, sa recherche d’une harmonie et d’une concorde supérieures fit que, dans le contexte libanais, elle a pu fonctionner plus comme un frein que comme un instigateur à une révolution politique du même style que celle que connut l’Egypte à la même période. La plupart des maçons connus furent aussi des réformistes qui désiraient un Liban fort, une sorte d’autonomie avec ou sans la Syrie, mais leur objectif principal n’était pas tant de rompre avec l’Empire que de constituer une structure politique fédérale jouissant d’une nouvelle confiance en elle-même et fière de son identité culturelle et nationale.

Dans un passé récent, des personnalités importantes appartenaient aux loges, futurs Présidents, Premiers Ministres et grands notables comme Charles Debbas, premier président de la république(6), Camille Chamoun ou les El Solh et probablement le Président Martyr Bachir Gemayel(7), assassiné en 1982, pour avoir voulu faire la paix avec Israël. Pendant la guerre qui a suivi au Liban entre Israël et les organisations palestiniennes qui voulaient prendre le pouvoir au Liban. En dépit de l’influence des francs-maçons en politique, la plupart des loges libanaises ont été fermées dans les années 1950(8) malgré l’élection à la présidence du franc-maçon Camille Chamoun(9). 

Milices chrétiennes et musulmanes s’affrontèrent de 1975 à 1990. Pendant la guerre civile qui déchira le Liban, les loges affiliées à l'Obédience se situant dans la partie Ouest de la capitale Beyrouth ont été saccagées (telles les loge de Starco ou de Tarik el Jdidé), celles qui étaient situées dans la partie Est de Beyrouth existent toujours, comme la Loge Nour à Fassouh dans le quartier d'Achrafieh.

La Franc-Maçonnerie existe toujours au Liban mais elle est très dispersée, divisée en diverses obédiences(10): la Grande Loge Bet-El, le Grand Orient Arabe OEcuménique, le Grand Orient du Liban, le Grand Orient de Canaan, la Grande Loge des Cèdres, la Grande Loge Centrale du Liban. Le Droit Humain et la Grande Loge Féminine de France sont également présents. La franc-maçonnerie libanaise est en pleine restructuration (fusions des loges, fermetures des loges sauvages). Le Grand-Orient de France a ouvert deux loges depuis 1997: Le Cèdre à l'Orient de Beyrouth et Hiram de Tyr à l'Orient de Tripoli.

À partir de 1980, des réseaux beaucoup plus proches des objectifs de la Mafia que de celui de l’idéal maçonnique, furent constitués sous le couvert des loges sauvages. Des initiations furent réalisées à prix d’or en vue de permettre à des individus sans moralité de se prévaloir du titre de « franc-maçon » et de bénéficier de l’appui des frères en Europe ou aux États-Unis(11).


Chirine Abou Chakra - Schéma incompréhensible de la réorganisation de la franc-maçonnaire libanaise

En 2019, les frères du Liban, ont, retrouvé le chemin du Temple mais la situation est toujours difficile : problèmes d’approvisionnement en produits de première nécessité, retraits très limités par exemple à 200 dollars dans les distributeurs automatiques, et on prête aux francs-maçons d’être à l’origine de la crise. De nombreux frères auraient quitté le Liban dans cette période difficile(12).

Les musulmans francs-maçons ne revendiquent plus leur appartenance - comme Abd el-Kader a pu le faire - car aujourd'hui, d'après Antoine Sfeir, il suffit qu'un citoyen soit montré du doigt par un islamiste influent pour qu'il passe aussitôt en justice. La prudence est de mise, le Hezbollah puissance chiite, religieuse et militaire, implantée au Liban considère que la franc-maçonnerie est au service d’Israël.

Un colloque(13) au Grand Orient de France en 2017 dénonça des réseaux beaucoup plus proches des objectifs de la Maffia que de celui de l’idéal maçonnique qui furent constitués à partir de 1980 sous le couvert des loges sauvages. Des initiations furent réalisées à prix d’or afin de permettre à des individus sans moralité de se prévaloir du titre de « franc-maçon » et de bénéficier de l’appui des frères en Europe ou aux États-Unis.

Les relations des libanais avec les israéliens au sein du Grand Orient de France ont bien changé. En 1982, des francs-maçons libanais ont participé à des réunions maçonniques à Tel Aviv. Il y a une quinzaine d’année l’auteur de ces lignes représentant Israël au Congrès des Loges, se retrouvait dans la fraternité avec les délégués libanais. Nous déjeunions souvent ensemble. 

Aujourd’hui les libanais tournent le dos aux israéliens et refusent de les saluer, de leur serrer la main. Ils appliquent au sein de l’obédience la politique libanaise qui consiste à marquer leur hostilité envers les israéliens, les mépriser ou les ignorer. Cette attitude semble propre au G.O.D.F. où les loges israéliennes ne sont pas conviées dans des tenues communes traitant des pays méditerranéens. Les relations sont cordiales ou fraternelles dans d’autres obédiences.


Les Juifs du Liban

Selon la légende, la communauté juive remontait à l’époque du premier Temple. Le roi Salomon avait cédé des terres au roi Hiram de Tyr pour payer ses dettes. Mais c’est une légende.

Après la révolte de Bar Kochba des  juifs qui fuyaient l’armée romaine se sont réfugiés dans la région de Cœlé-Syrie, nom romain du Liban. La présence juive, n’a pas cessé. Le musée de Beyrouth possède un bas-relief montrant Abraham offrant son fils en offrande à Dieu (extrait ci-dessous). Il viendrait d’une synagogue située à Beyrouth qui aurait été détruite par le tremblement de terre et le tsunami de l’an 551.





Une communauté juive aurait donc existé au 6ème siècle de notre ère selon l’historien des juifs au Liban, Nagi Georges Zeidan.

On retrouve des traces juives à Tripoli, Sidon et Tyr et dans le Chouf .depuis le  premier millénaire, synagogues, cimetières, écoles. Le pays était majoritairement chrétien, l’Islam n’est apparu qu’au 7ème siècle, importé par les bédouins.

Au début du 20ème siècle la communauté juive comptait environ 4.000 personnes.

Jusqu’aux années 1920, la création de l’Etat libanais par la France mandataire, elle était prospère mais n’était pas intégrée.

Wadi Abou Jamil le quartier juif était situé au centre de Beyrouth. Si le statut de dhimmi était le sort des Juifs à l’époque en Orient, après la création du Grand Liban (en 1920), la communauté juive du Liban fut la seule communauté juive au Moyen-Orient à jouir d’une reconnaissance et d’une protection constitutionnelle(14). Dans les années trente, Émile Eddé, président de la république libanaise, a envisagé d’octroyer un siège parlementaire à la communauté juive. Ce projet fut rejeté par le haut-commissaire de la France, puissance mandataire.

Le Liban a accueilli des milliers de Juifs avec la grande révolte syrienne, les pogroms en Irak, particulièrement celui  du Farhud et la guerre d’indépendance d’Israël. « Le 30 mai 1946, contre le cours de l’histoire et l’esprit du pacte national libanais de 1943, un improbable et anachronique traité secret est conclu entre le patriarche Arida et l’Agence juive. Les maronites reconnaissent aux Juifs le droit de créer un Etat en Palestine tandis que le caractère chrétien et indépendant du Liban est reconnu par les Juifs[15] ».

Le Liban est le seul pays arabe dont la population juive a augmenté après la Déclaration d'indépendance de l'État d'Israël en 1948. Des mouvements migratoires vers le Liban en provenance des pays environnants avaient, paradoxalement, renforcé la présence juive. La communauté a compté 30.000 personnes. La majorité des juifs libanais n’étaient pas partisans du sionisme. Le sentiment des juifs qu’ils appartenaient à la nation libanaise était très fort. Certains juifs libanais ont même servi dans l’armée libanaise contre Israël durant la guerre de 1948, deux d’entre eux étaient officiers.

Il est vrai que cette guerre a été très symbolique pour l’armée libanaise. Si le pouvoir politique souhaitait l’engagement au côté des forces arabes, Le commandement maronite du général Fouad Chehab voyait plutôt l’ennemi dans la Grande Syrie qui voulait annexer le Liban. Cependant, La guerre et l’amalgame entre « juifs » et « sionistes » ont contraint la communauté à adopter un profil bas (célébrations discrètes des fêtes religieuses, démission des deux officiers juifs de l’armée libanaise, restriction de la liberté d’expression, etc.). La question des juifs libanais combattant dans l'armée libanaise durant la Guerre de 1948 a suscité de houleux débats au Parlement.

Quand les Arabes chrétiens étaient au pouvoir au Liban, les Juifs étaient assez bien tolérés. Au milieu des années 50, environ 7 000 Juifs vivaient à Beyrouth. Mais, comme tous les Juifs vivant dans les pays arabes, leur situation n’a jamais été sûre, et la majorité d’entre eux est partie en 1967, après la guerre des six jours.

La multiplication des conflits interconfessionnels eut pour effet l’affaiblissement de l’autorité de l’État. L’incapacité à protéger les membres de la communauté juive encouragea les atteintes répétées envers les personnes et les intérêts juifs (harcèlement des enseignants accusés de prêcher le sionisme, commerçants menacés). Angoisse, insécurité et pessimisme sont devenus le quotidien des juifs du Liban.  Le déclenchement de la guerre civile de 1975 entre chrétiens et musulmans contribua à la détérioration d’une situation déjà critique. L’emplacement géographique de Wadi Abou Jmil, le quartier juif, au sein de la zone de conflit militaire, entraîna la destruction de nombreux commerces, habitations juives et synagogues. 

La majorité des 1 800 Juifs libanais qui restait encore, émigra en 1976, craignant que la présence syrienne de plus en plus envahissante au Liban, ne limite leur liberté. Ils allèrent en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. 

Au milieu des années 80, le Hezbollah kidnappa plusieurs Juifs parmi les dirigeants de la communauté, certains ont disparu, quatre d'entre eux furent retrouvés assassinés comme le docteur Élie Hallak qui soignait les patients quelle que soit leur confession. Il fut enlevé le 30 mars 1985 et exécuté en février 1986 par le Hezbollah. Les départs qui ont suivi marquèrent la fin de la communauté juive libanaise.


L’OLP et les autres organisations palestiniennes avaient établi au Liban un quasi-état. Leurs milices attaquaient Israël à partir de leurs bases libanaises, ils menaçaient la souveraineté du pays. Les Kataëb maronites dirigés par Béchir Gemayel négociaient avec Israël. En 1982,  Israël envahit le Liban en accord avec Béchir Gemayel qui avait été élu président. Il voulait reprendre le contrôle du Liban avec l’aide des  israéliens. Béchir Gemayel fut assassiné le 14 septembre 1982 par les palestiniens du FPLP[16] et le pays sombra dans la violence. Ce qui restait des Juifs libanais tenta de rester mais des meurtres et des enlèvements frappèrent la communauté qui vivait dans la terreur.

Il resterait d’après la journaliste Clotilde Bigot moins d’une dizaine je Juifs vivant isolés au Liban, le plus jeune étant âgé de soixante-dix ans.

« Il faut que la télévision explique aux Libanais la différence entre les juifs et les sionistes. Les Libanais ne sont pas au courant, et c’est difficile ! Le Hezbollah lui-même ne fait pas la différence » a déclaré Bassem el-Hout, l’avocat de la communauté juive libanaise. Par sionistes il faut comprendre israéliens.

En 2006, la BBC a demandé à la journaliste libanaise Nada Abdelsamad de réaliser une série de reportages sur les communautés religieuses du Liban.

C’est là qu’elle a rencontré le souvenir de la communauté juive.

« Pour moi, dit-elle, ils relevaient de l’imaginaire. J’en ai toujours entendu parler, mais n’en ai jamais rencontré. Je les jugeais même déloyaux à l’égard du Liban parce que chaque fois que quelqu’un évoquait une amitié avec des Juifs libanais, le récit se concluait de la même manière : ils sont brutalement partis du jour au lendemain, dans le plus grand secret, sans même informer leurs plus proches. Aucun n’a jamais donné de nouvelles. On supposait qu’ils avaient rejoint Israël. »

Elle a recueilli des récits d’anciens voisins, amis, amoureux, a interviewé par téléphone des juifs libanais exilés au Canada, elle en est resté stupéfaite.

« J’ai été profondément touchée de leur amour pour le Liban et de leur désir d’y retourner et y passer leur retraite si la situation le permettait. Cela a bouleversé mes repères. Jusqu’à présent, pour moi, l’attachement d’un Juif pour un pays n’était associé qu’à l’Etat d’Israël. Je me suis rendu compte qu’ils étaient des citoyens libanais au même titre que moi, avec les mêmes droits. »».

La journaliste a décidé d’en faire un livre : « Des Histoires de Juifs du Liban » qui est sorti à Beyrouth, en 2016, aux éditions El Nahar. Ce livre est devenu un best-seller au Liban. 

Le cimetière juif de Beyrouth est en ruines et c’est une vieille femme chiite qui s’en occupe. Les tombes, et leurs inscriptions en Hébreu et en Français, représentent le testament de la communauté juive libanaise qui, aujourd’hui n'existe plus. Il resterait moins d'une dizaine de Juifs au Liban, des personnes âgées(17). 


Le conflit israélo-arabe, et la présence militaire d’Israël au Liban, ont contribué à créer un fort sentiment anti-israélien. Tous les déplacements du Liban vers Israël sont strictement interdits. Le Hezbollah se sert du Sud Liban comme base pour ses attaques terroristes à l’encontre d’Israël entraînant des représailles.



Notes :


1 - Renaissance en arabe
2 - « L'Etre avec » franc-maçon au Liban : Stratégies individuelles et réseaux - Mémoire pour l'obtention du Diplôme d'Études Approfondies en Sciences Politiques Préparé par Chirine Abou Chakra Sous la direction de Madame le Professeur Elizabeth Picard, Beyrouth. Année universitaire 2005 – 2006.
3 - Charles Henry Churchill était consul de Grande Bretagne, aïeul du futur premier ministre. Il soutint le philanthrope juif, Moses Montefiore. Voir l’article de Bonnie Goodman dans le Jérusalem Post du 26 juin 218 : Colonel Charles Henry Churchill’s letter to Sir Moses Montefiore, a first in supporting a Jewish state in Palestine.
4 - Renaissance en arabe
5 - Benny Morris : Victimes: histoire revisitée du conflit arabo-sioniste. Edition Complexe, CNRS, p. 46.
6 - Il fut initié en 1907 à la loge « Le Liban » du GODF à l'Orient de Beyrouth.
7 - D’après Jean-Marc Aractingi, Grand Maitre du Grand Orient Arabe OEcuménique
8 - Parmi les loges du GODF ayant existé au Liban-Syrie, nous pouvons citer : Syria (1890, Alep) - la chaîne d’Orient (1869, Beyrouth) - l’Etoile du Liban (1913, Zahlé) - l’Union du Sud (1913, Saîda) - la fleur de l’Oronte (1921, Hems) - Le Cèdre du Liban (1922, Suk el- Gharb) - Kesrouan (1922, Harissa) - Tripoli (1923, Tripoli) - Etoile de Ladquié (1927,
Lattaquié) - Phenicia (1936, Rayak).
9 - Dictionnaire des Francs-Maçons Arabes et musulmans - Jean-Marc Aractingui, Grand Maitre Mondial du GOAO, Amazon distribution, 2018,  p. 132
10 - Antoine Sfeir : l'Express – les francs-maçons en terre d'Islam
11 - La Franc-Maçonnerie libanaise en 2017 – Minutes du colloque de la R.L. "Les Enfants d’Abraham" (Leda 6014).
12 - Rapport du Conseil e l’Ordre du GODF, 2019.
13 - La Franc-Maçonnerie libanaise en 2017 – R.L. "Les Enfants d’Abraham" (Leda 6014).
14 - Nabil Naaman Les Clefs de la maison d'Albassa en Galilée.
15 - Laura Zittrain Eisenberg, “The Zionist-Maronite Alliance : pressure to produce results” (chap. V) in My enemy’s enemy : Lebanon in the early Zionist imagination, 1900-1948, Wayne State University press, Detroit, 1994, pp. 117-146. Cité par Stéphane Malsagne : L'armée libanaise dans la guerre de Palestine (1948-1949) : vers un renouveau historiographique dans Confluences Méditerranée 2008/3 (N°66), pages 207 à 219
16 - Ahmad Jibril (FPLP-CG) confirme l’implication des Palestiniens dans l’assassinat de Bachir Gemayel. Libnanews - 8 avril 2020 par Michel Fayad.

17 - Mitchell G. Bard - Le guide du conflit israélo-arabe.